NOTRE RÔLE A ÉTÉ DE DÉFENDRE LES INTÉRÊTS DE NOS ADHÉRENTS

Philippe-AUGIER

Philippe AUGIER

Président de France Congrès et Événements, et maire de Deauville

Les prévisions du marché des congrès et des rencontres professionnelles pour 2020 étaient plutôt encourageantes avant la crise sanitaire… Quelle est la situation aujourd’hui ?

Philippe Augier : Je me baserais pour vous répondre sur une étude réalisée par Interface Tourisme MICE et portant sur l’impact du Covid-19 sur le marché de l’événementiel français. L’étude a été menée sur le mois d’avril 2020 auprès de 45 organisateurs d’événements français, opérant à la fois en France et à l’international. Il ressort de cette étude que sur 752 événements (séminaires, réunions, incentives, learning-expeditions, congrès et conventions), une grande majorité a été reportée (près de 49 %), alors que « seuls » 29 % ont été totalement annulés. Cette tendance est sensiblement la même aussi bien pour les événements en France qu’à l’international.

Comment voyez-vous la reprise et à quelle échéance ?

Philippe Augier : Selon les répondants de cette étude, la reprise sera marquée par deux temps forts  : tout d’abord avec un report des événements au dernier trimestre 2020 – avec une tendance davantage marquée pour les événements en France compte-tenu du manque de visibilité et de l’incertitude concernant l’ouverture des frontières dans les prochains mois. La deuxième phase de cette reprise est prévue dès la fin du premier trimestre 2021, principalement pour les événements à l’international cette fois-ci. Je préciserais les résultats de cette étude en ajoutant que la reprise devrait être forte sur le dernier trimestre de l’année dans la mesure où les manifestations reportées vont s’ajouter à celles déjà programmées sur ce dernier trimestre. L’activité des centres de congrès devraient être assez dense durant cette période. Je préciserais également que, concernant les manifestations d’envergure, celles-ci ont plutôt été reportées fin de premier trimestre 2021. Je parle des reports, mais il ne faut pas oublier qu’il y a eu beaucoup d’annulations. Par conséquent, la reprise va se faire progressivement. Ce ne sera pas l’euphorie d’emblée, c’est sûr.

À quoi faut-il s’attendre cet été ?

Philippe Augier : Les mois de juin, juillet, août, en revanche, vont tourner à vide car, même si la situation s’améliore nettement avec la levée des interdictions de rassemblements, il demeure encore des incertitudes, notamment sur l’ouverture des frontières, la reprise des vols… et personne ne veut prendre le risque, que ce soit les organisateurs ou les entreprises de programmer un événement cet été, d’autant plus que, le cas échéant, les délais de préparation seraient trop courts. Par conséquent, on peut déjà prévoir que l’activité aura été à l’arrêt pratiquement 6 mois.

Quel est l’impact de la crise sur la filière de l’événementiel ?

Philippe Augier : Le problème, c’est que ce sont tous les opérateurs de la chaîne de valeur de l’événementiel qui sont touchés, les palais des congrès, les organisateurs de salons, les agences événementielles, les prestataires de services spécialisés (traiteurs, accueil, sécurité…) et évidemment l’hébergement. Il est donc difficile d’estimer les pertes dues à cette crise. Ce que je peux vous dire c’est que la filière s’accorde sur une première estimation de 15 milliards d’euros de retombées directes et indirectes en moins pour l’économie française.

Quelles en seront les répercussions à plus long terme ?

Philippe Augier : Tout le monde pose des questions pour savoir comment ça va se passer demain. Or, la réalité, c’est que personne ne le sait, même le gouvernement. On découvre les choses au fur et à mesure. Peut-être que dans un mois le virus ne circulera plus et, dans ce cas-là, l’activité redémarrera plus vite. En revanche, si tel n’est pas le cas, on peut craindre que les entreprises hésitent à réunir leurs collaborateurs par peur du risque de contamination, et que les étrangers de leur côté hésitent à prendre l’avion. Ces comportements peuvent être redoutables et auront un impact sur l’activité. On peut redouter également que certaines entreprises, notamment celles qui ne vivent que de l’événementiel, arrêtent leur activité. Même si elles ont obtenu le droit de poursuivre le chômage partiel pour leurs salariés jusqu’à fin septembre

Quelles mesures préconisez-vous alors ?

Philippe Augier : Il faut rassurer les potentiels clients, mais cela ne suffit pas, car il y a une dimension psychologique contre laquelle on ne peut pas faire grand-chose. Beaucoup vont hésiter à se déplacer, à organiser un séminaire ou autre événement tant qu’il n’y aura pas l’assurance qu’il n’y a plus aucun risque. Malheureusement, ce sentiment risque de perdurer pendant quelques mois même si la situation est devenue beaucoup plus saine.

« Je suis persuadé que l’activité va non seulement perdurer, elle
va même se développer. »

France Congrès et Événements a œuvré collectivement à l’élaboration d’un plan de soutien du secteur. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Philippe Augier : Dans cette période de crise, notre rôle a été de défendre les intérêts de nos adhérents et nous l’avons fait effectivement avec les autres organisations professionnelles de la filière événementielle : Unimev, Lévénement, Traiteurs de France, Coésio, Créalians, Synpase. Nous avons travaillé à l’élaboration d’une demande commune pour discuter avec le gouvernement, autour de Bruno Lemaire et Jean-Baptiste Lemoyne, et s’entendre sur ce qui pouvait être mis en place rapidement comme dispositif pour accompagner et sauver les entreprises. Nous avons proposé un plan de soutien spécifique au secteur de l’événementiel conçu pour accompagner les entreprises pendant 24 mois avec des mesures économiques et sociales, comme l’exonération de charges sociales patronales, l’allègement possible de certaines taxes locales (taxe de séjour, CFE…), la prolongation de 18 mois du dispositif actuel d’activité partielle (ce point est en discussion, mais on a déjà obtenu qu’il soit jusqu’à fin septembre), le fonds d’investissement lié à la sécurité sanitaire pour l’accueil du public… L’État a été très ouvert, très à l’écoute pour trouver les bonnes solutions pour sauver les entreprises étant parfaitement conscient que ce monde de l’événementiel était une filière particulièrement touchée.

À Deauville, comment avez-vous géré la situation ?

Philippe Augier : À Deauville, nous enregistrons beaucoup de reports sur le dernier trimestre 2020 et sur le premier trimestre 2021. Pour ce qui est de la gestion de la crise elle-même, nous avons accompagné les entreprises dans leur recherche d’aides de l’État, de la région. L’intercommunalité que je préside a abondé au fonds de solidarité nationale et régionale pour les toutes petites entreprises en difficulté, notamment celles qui venaient de se créer, et qui ne répondaient pas aux critères pour bénéficier des aides d’État et de la région.

« L’État a été très ouvert, très à l’écoute pour trouver les bonnes
solutions pour sauver les entreprises. »

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Des motifs d’espérer ?

Philippe Augier : Mon analyse est que les gens ont découvert le télétravail, ce qui implique une réorganisation complète du monde du travail. Or je pense que plus il y aura de télétravail plus il y aura besoin de réunir physiquement les individus pour un séminaire ou autre événement fédérateur. La nécessité de rassembler les équipes et la force du média événement ne disparaîtront pas. Bien au contraire. Je suis plutôt optimiste. Ça va être progressif, mais je suis persuadé que l’activité va non seulement perdurer, elle va même se développer.

Propos recueillis par Blandine Fleury

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