IL NE FAUT PAS S’ATTENDRE À UNE REPRISE AVANT JANVIER 2021

edv

Michelle LAGET-HERBAUT

Présidente du Conseil des organisateurs de congrès, séminaires, incentives, foires et salons au sein des Entreprises du Voyage

Pouvez-vous faire un point sur l’activité MICE à l’issue de la période de confinement ?
Michelle Laget-Herbaut : Dès l’annonce du confinement (le 17 mars, Ndlr), nous avons constaté l’annulation de près de 90 % des dossiers sur les mois de mai et juin. Au départ, nous espérions que ce confinement n’allait durer qu’un mois, et que les opérations programmées pour fin août pourraient se tenir. Malheureusement, le confinement étant prolongé, nous avons constaté une nouvelle cascade d’annulations. Les agences spécialisées MICE ont conservé une partie de leur personnel pour gérer ces annulations et les reports. Cela n’a pas été toujours été facile au niveau des négociations avec les prestataires. Par exemple, certains hôteliers n’ont pas joué le jeu tout de suite. En avril, mai et début juin, il ne s’est rien passé. Aucun dossier, aucune réservation. L’événementiel est touché de plein fouet. Si la billetterie (train, location de voitures et hôtels) repart tout doucement, il ne faut pas s’attendre à une reprise avant janvier 2021. Tout juste  quelques soubresauts début septembre avec des queues de budget pour de petites opérations.

Comment réagissent les clients ?
Michelle Laget-Herbaut : Disons qu’en ce moment ils ont autre chose à penser que de programmer des séminaires ou des incentives. Ils se concentrent avant tout sur la reprise économique de leur propre business. Ceci dit, nous appelons tous nos clients pour leur dire que nous sommes toujours vivants. On a tellement dit que les agences événementielles étaient dans la panade qu’il faut aussi rassurer nos interlocuteurs. Malgré tout ils ne s’engagent pas et restent très très frileux.

« Je pense que les quelques opérations qui pourront se
tenir avant la fin de l’année se dérouleront essentiellement
en France. »

Que pensez-vous des mesures gouvernementales qui ont été mises en place pour soutenir la profession ?
Michelle Laget-Herbaut : Comme pour les autres métiers, Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du Voyage, a demandé le report des charges patronales et la mise en place du chômage partiel. La plupart des agences étant actuellement fermées, le dispositif ne devrait pas s’arrêter fin juin et être reconduit jusqu’à fin août, début septembre. Et, même si les charges patronales sont effacées, nous avons tous des loyers, des frais annexes qui courent. Ainsi pour les personnes en télétravail, il faut payer le matériel informatique, le téléphone… Pour une PME, cela représente entre 20 000 et 100 000 euros par mois, soit jusqu’à 600 000 euros sur six mois. Il faut une sacrée trésorerie. Autant la crise de santé a été très mal gérée, autant les aides apportées ont été rapidement mises en place. Le chômage partiel s’est décanté en 15 jours, et le Prêt garanti par l’État (PGE) a été facilité. Un taux de 0,25 % sur un an, c’est une aubaine. Sauf que nous allons très vite arriver en juillet et rien ne se sera passé au niveau activité. Il y aura un peu de travail sur le dernier trimestre 2020. Et puis ce sera le début de l’année et déjà le mois de mars et le remboursement du prêt. Certaines entreprises vont devoir souscrire un nouveau prêt sur 3, 4 ou 5 ans, et à un taux plus important. J’ai peur, surtout pour les agences qui sont mono-client.

Vous craigniez des faillites et des dépôts de bilan ?

Michelle Laget-Herbaut : Je suis optimiste de nature et je sais que ça va repartir. Pour autant, on peut en effet craindre des cessations d’activité, des dépôts de bilan. Les entreprises qui n’étaient pas en forme avant le Covid-19, leur situation ne va pas s’arranger. Ce n’est pas le PGE qu’elles ont obtenu qui va changer quoi que ce soit. Si les agences jouent sur la trésorerie avec les acomptes clients et qu’il ne se passe rien, cela risque d’être encore plus dramatique. Il y aura également des rachats, des rapprochements. Sur le premier trimestre, nous avons fait environ 20 % de notre chiffre d’affaires. Il faut savoir que le business du MICE s’effectue essentiellement sur le deuxième trimestre. Durant l’été, très peu de choses se passent. Les grands séminaires qui devaient se tenir cette année en Europe du Sud, du Nord ou au Maroc, ont tous été annulés. Les gens craignent une rechute, une nouvelle vague de Covid-19. Des clients nous interrogent : « Si le virus revient, est-ce que l’on pourra à nouveau reporter ? ». Eh bien oui, on reportera comme on a déjà reporté.

« Nous appelons tous nos clients pour leur dire que nous sommes
toujours vivants. »

Comment voyez-vous la situation évoluer ?

Michelle Laget-Herbaut : C’est très difficile d’avoir de la visibilité. Je pense que les quelques opérations qui pourront se tenir avant la fin de l’année se dérouleront essentiellement en France. Nous pouvons aussi espérer quelques opérations en Europe ces prochains mois. Pour ce qui est des opérations reportées à la rentrée, des responsables d’agences, voyant les choses arriver très vite, se demandent s’il ne vaut mieux pas privilégier un nouveau report. Comme la profession va travailler sur trois mois, il existe un risque, notamment pour les petits séminaires de 30, 40 ou 50 personnes, d’être confronté à un problème de disponibilité de dates. Même chose pour les congrès de 500 ou 600 personnes. J’ai un confrère qui a eu du mal à repositionner son congrès prévu en août 2020 sur 2021. C’est difficile de trouver des dates. Si effectivement tout est reporté l’année prochaine, 2021 va être une année extraordinaire ! Ce qui est positif, c’est que dans le cadre de rachats ou fusions de sociétés, nous assisterons à une demande d’opérations MICE et d’événementiel pour ressouder les équipes rachetées et les intégrer aux équipes existantes. Je suis confiante, ça va repartir. C’est obligatoire.

« Je suis optimiste de nature et je sais que
ça va repartir. »

Quelles sont les mesures de sécurité qui seront mises en place ?

Michelle Laget-Herbaut : Au niveau des Entreprises du Voyage, nous allons continuer de communiquer et œuvrer afin que toutes les conditions de sécurité soient réunies. Les hôtels, les lieux de réception le feront aussi de leur côté. Dans les appels d’offres et les contrats, il existera une clause qui engagera les différents acteurs à mettre en place un protocole d’hygiène et de sécurité (gel à disposition, lavage de mains, désinfection des lieux…). Sur ce point, si de nouvelles mesures s’imposent, ce sera une excellente chose.

Propos recueillis par David Savary

Facebooktwitterlinkedin