LA REPRISE SERA DIFFÉRENTE ET PLUS RAPIDE

Fabrice-LABORDE

Fabrice LABORDE

Président de Créalians, vice-président
d’Unimev, et PDG du groupe ByGalis

Quelles ont été les conséquences de la crise sur votre activité ?
Fabrice Laborde : Avant tout, rappelons que 2019 a été, pour la profession, une très belle année économique et les deux premiers mois de 2020 annonçaient aussi une belle année. Le métier des foires, salons et congrès, est en croissance constante depuis dix ans, l’ensemble des curseurs était au vert pour les trois prochaines années et le chiffre d’affaires réalisé par les exposants sur les salons en croissance. Pour nous, la première annulation a été le Mido à Milan, le 23 février, en cours de montage. Nous commencions à peine à mesurer le risque pour l’Europe malgré les premières alertes en Chine. La profession n’a pas réellement vu venir la violence de l’impact. Le 29 février, l’arrêt a été brutal, avec des annulations de salons et d’exposants en cascade. Nous avons mesuré ce jour-là, bien avant le confinement, la violence et l’importance de la crise qui arrivait. Entre le 29 février et le 14 mars, la profession représentée par Créalians et Unimev s’est préparée à l’arrêt, au chômage total ou partiel. Le mois de mars étant le mois le plus fort du premier semestre, une grande partie des stands étaient fabriqués, créant un questionnement juridique sur la facturation aux clients dont les salons étaient annulés, les emplacements payés et les stands à régler. Les quinze premiers jours ont servi à résoudre cet imbroglio financier et juridique. Dans plus de 95 % des cas, nous avons trouvé un accord avec nos clients, et un soutien important de leur part.

« La profession n’a pas réellement
vu venir la violence de l’impact. »

Et depuis ?
Fabrice Laborde : Depuis la mi-mars, nous sommes donc en chômage total pour la majorité d’entre nous. Les conséquences pour notre filière sont à plusieurs paliers. De mars à août, l’activité, donc le chiffre d’affaires, est à zéro, et nos entreprises (agences et prestataires) à l’arrêt. Seuls les mois de janvier et février ont produit environ 15 % de l’activité annuelle. Des conséquences psychologiques : notre métier a peu ou pas connu le chômage ou l’incertitude. Depuis la crise de 2008/2010, nous créons des emplois chaque année et notre principal souci était le recrutement, que ce soit sur les postes de stratège de la rencontre ou de production pure. Le chômage, doublé de l’incertitude de la reprise (à ce jour encore), créait un mal-être général, que ce soit chez les chefs d’entreprise comme chez les collaborateurs. Il nous a fallu les accompagner, les rassurer sans pour autant cacher la vérité. L’incertitude d’une date de reprise rajoute un doute de la part des exposants et des visiteurs. Ce flou, rajouté aux doutes économiques des donneurs d’ordres eux-mêmes, contribue aux annulations et à une prévision incertaine sur le deuxième semestre

Quid de la reprise alors ?
Fabrice Laborde : À ce jour, en considérant la date du 1er septembre comme date de reprise officielle (décret du 31 mai, dont la date n’a pas été modifié dans le décret du 14 juin), nous estimons que notre chiffre d’affaires 2020 serait de 35 % par rapport à une année normale, de 20 % si nous devions redémarrer en novembre. Malgré les aides réelles du gouvernement, il est difficile de penser que cette période n’aura pas d’impact en termes de restructuration de la filière.

Que pensez-vous des mesures gouvernementales
mises en place ?
Fabrice Laborde : Il faut souligner l’extrême rapidité et efficacité du gouvernement dès les premiers jours. Les mesures, chômage partiel ou, dès le début, report de charges, PGE, ont été mises en place avec des moyens déployés. Je tiens à remercier les ministres de tutelle comme Bruno Le Maire, Murielle Pénicaud, Gérald Darmanin, mais aussi leurs directeurs de services, leurs collaborateurs, la Dirrecte et enfin la BPI pour leur accompagnement rapide. À ce jour, nous avons obtenu une exonération de cotisation patronale de mars à juin, une
sorte d’avoir de 20 % sur le montant théorique des charges et le chômage partiel sectoriel jusqu’au 30 septembre 2020. Seulement voilà, l’arrivée de la reprise de façon tardive au 1er septembre et la longueur de l’arrêt de l’économie française durant pratiquement trois mois, laisse présager un second semestre exsangue. Avec un chiffre d’affaires 2020 compris entre quatre et cinq fois moins qu’en 2019, nous avons besoin d’un accompagnement supplémentaire sans quoi les licenciements et les faillites atteindront un niveau tel que nous détruirons notre savoir-faire durablement et perdrons notre leadership mondial au profit de nos voisins.

« Le protocole sanitaire que nous avons
rendu était une évidence pour nous. »

Comment analysez-vous l’avenir de votre profession ?
Fabrice Laborde : En premier lieu, il faut parler des mesures sanitaires de l’encadrement sur nos salons. Notre métier, et avant nous celui des organisateurs de salons, des gestionnaires de lieux, est l’organisation de la rencontre. Nous sommes, par définition, ceux qui connaissent le mieux nos visiteurs, nous les préenregistrons, filtrons et comptons les flux, nous sommes organisateurs, agences de design de stands et prestataires habitués et rompus aux respects des règles. Le protocole sanitaire que nous avons rendu était une évidence pour nous. Depuis quelques jours, les signaux positifs pour la reprise se multiplient. L’ensemble de la France métropolitaine est passée en zone verte le lundi 15 juin, la vie reprend peu à peu, Le tourisme redevient également possible avec l’ouverture des frontières à l’intérieur de l’espace Schengen et à certains pays dès le 1er juillet. Au regard des textes officiels, la reprise des grands événements professionnels est prévue dès le 1er septembre 2020. Ils apporteront leur concours à la relance tant attendue de l’économie française. Le 1er septembre, nous pouvons recommencer les foires et salons et c’est pour nous une rentrée attendue. Même si ce dernier semestre sera certainement secoué et faible, il préfigure 2021. L’an prochain, nous prévoyons un resserrement de notre périmètre d’activité de 15 à 20 % pour peu que nous reprenions une activité dès la rentrée.

« Une confcall ne remplacera jamais un
salon ou un rendez-vous physique. »

Et les changements qui vont s’opérer ?
Fabrice Laborde : Nous avons l’expérience de la crise de 2008, les donneurs d’ordres, les exposants, en événementiel comme en foires et salons, ont mis quatre ans à revenir. 7 % du chiffre d’affaires des entreprises françaises sont réalisés sur les salons, plus de 12 % pour les PME, un ROI de 1€ pour 8 € de chiffre d’affaires. Ces chiffres sont aujourd’hui connus et mesurés par nos clients et le dernier sondage réalisé auprès des exposants met en évidence la volonté, à plus de 90 %, de revenir au plus vite sur nos salons. La reprise sera différente et plus rapide. C’est rassurant. Bien sûr, il y aura des effets négatifs sur les entreprises et leur santé financière, mais nous comptons sur cette reprise. Parallèlement, durant le confinement, la profession, organisateurs et agences, ont travaillé sur le développement de plateformes nouvelles, de digitalisation d’événements. Les premières seront lancées d’ici la rentrée et nous accompagnerons ainsi nos clients, avant, pendant et après le salon. Ces plateformes virtuelles, graphiques et d’échanges permettrons de continuer la durée du salon, de
permettre à ceux et celles qui ne pouvaient pas de déplacer de revisiter le stand, le salon et de prendre rendez-vous avec les exposants. Une confcall ne remplacera jamais un salon ou un rendez-vous physique, comme les meilleurs des jeux vidéo de Ligue 1 ne remplaceront jamais un match en stade. Mais ils préparent à la rencontre, ils prolongent l’expérience. Nous en sommes ravis !

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