À NOUS DE PROPOSER DES ÉVÉNEMENTS QUI FONT SENS

Alain MARCOTULLIO

Président des Traiteurs de France

Quelles ont été les conséquences de la crise du Covid-19 sur votre activité ?

Alain Marcotullio : Cela a été dramatique, puisque nous avons reçu les premières annulations dès la mi-février (soit un mois avant le début de confinement…), puis cela s’est enchaîné, en cascade, jusque l’arrêt total. Tout cela bien avant le confinement, la guerre était déclarée par ce satané virus et nous étions au front sans armes. Arrêt total dès le 16 mars comme tout le monde, avec une particularité non négligeable, c’est que nous savions que la reprise, sous-entendu la réouverture des restaurants qui sont liés à notre activité par la branche CHR, ne serait pas la nôtre. C’est le cas avec des annulations en série des mariages sur juin, juillet et août et des annulations ou reports de la majorité des réceptions prévues sur septembre et octobre. La psychose a rempli son rôle, car nous pourrions penser que cela sera fini en septembre et pourtant… À ce jour, c’est toute la filière événementielle qui est à l’arrêt et les perspectives de reprendre début septembre s’amenuisent, malgré les annonces prévues et l’ouverture des restaurants. Pour Les Traiteurs de France, c’est plus de 112 M€ de pertes estimées de chiffre d’affaires à fin décembre, dont 12 sur la cible mariage, moins 90 % de chiffre d’affaires pour avril 2020 vs avril 2019, plus de 1 400 salariés en chômage partiel, sans compter nos extras, salles et cuisines, qui se retrouvent dans une situation précaire et que nous soutenons. Et, je vous l’assure, rien ne redémarrera avant fin septembre, même si je souhaite, bien entendu, tout le contraire.

« Le monde a besoin de revenir à l’essentiel. »

Que pensez-vous des différentes mesures gouvernementales mises en place ?

Alain Marcotullio : Franchement, tout a été pris à bras le corps et ce, dès le début, par le gouvernement. Dès le 11 mars, Bruno Le Maire nous a reçus avec les principaux acteurs de la filière événementielle. Très à l’écoute de la problématique, il a su ajuster ses actions au fur et à mesure des dégâts causés par cette crise. J’associe bien évidemment Muriel Pénicaud, ministre du Travail, et JeanBaptiste Lemoyne, secrétaire d’État au Tourisme, qui ont fait le job. Avec le chômage partiel, les exonérations de charges et toutes les mesures économiques mises en place, ils ont redonné de l’espoir aux entreprises du secteur. Sans ces mesures, nous aurions déjà à vous annoncer des pertes considérables. Mais le combat n’est pas terminé, surtout dans le secteur événementiel, car se sont des mesures de trésorerie, mais pas de compensation, et nos demandes sont toujours au cœur du dispositif. Celles de nous aider à minima minimorum jusqu’à fin décembre sur le chômage partiel et les exonérations de charges sur le volet social.

Vous faites également d’autres propositions ?

Alain Marcotullio : Sur le volet économique, il nous paraît important de continuer de nous battre sur la mise en œuvre des reports des prêts bancaires sur douze mois, de renforcer en fonds propres les entreprises qui ont fortement investi ces dernières années et qui peuvent se retrouver avec le couteau sous la gorge. C’est pourquoi, nous proposons que soit transformé en subventions (dotation financière) une partie des PGE mis en place par l’État pour les entreprises de notre secteur qui maintiendraient l’emploi, car nos métiers sont fortement contributeurs d’emplois (en moyenne 48 % de notre chiffre d’affaires). Nous avons également été bien suivis et représentés par nos organisations professionnelles comme le GNI et l’UMIH. Le réseau Les Traiteurs de France, membre du collectif interprofessionnel de la filière événementielle composée de Créalians, Coésio, France Congrès et Événements, Lévénement, Synpase et Unimev, a aussi œuvré, par ce biais, à l’avancement collectif du sujet « protocole sanitaire » et au relais de nos demandes auprès du gouvernement.

« Nous allons repenser nos collaborations à travers plus de
solidarité et de bienveillance. »

Comment voyez-vous l’avenir de votre profession ?

Alain Marcotullio : Bien avant cette crise, nous avions lancé, au sein du réseau Les Traiteurs de France, un groupe de travail constitué de jeunes ou de futurs repreneurs, afin qu’ils réfléchissent spécifiquement sur l’avenir de la profession, le TDF Avenir. Son travail a été bouleversé par la crise, mais il a continué à œuvrer avec toujours le même objectif et certainement une autre vision. À ce groupe, se sont ajoutés douze autres groupes qui se sont naturellement constitués autour de divers sujets liés à la crise. Pilotées par les élus du conseil d’administration du réseau, mobilisés dès les premiers jours du confinement, c’est plus de 100 personnes qui ont travaillé durant trois mois sur des missions différentes, mais toujours en lien avec le métier de l’après-crise. Ce qui en est ressorti est remarquable et nous donne l’espoir de créer des réceptions de demain, différentes, avec de l’innovation et de la créativité qui devraient rassurer nos clients, leur donner l’envie de refaire la fête. Car c’est notre métier ! C’est pour cela que nos métiers réceptifs auront un rôle important.

« Pour Les Traiteurs de France, c’est plus de 112 M€ de
pertes estimées de chiffre d’affaires à fin décembre. »

Comment imaginez-vous les réceptions de demain ?

Alain Marcotullio : À nous de proposer des événements qui font sens, autour de valeurs simples et simplement vraies. Comment ? En collaborant plus que jamais avec l’économie locale, en ancrant définitivement nos réceptions dans les saisons. Cette nature qui nous a envoyé un signal d’alerte, nous allons la soigner avec encore d’avantage de produits du terroir, de circuits courts et événements durables et joyeux. Nous allons repenser nos collaborations à travers plus de solidarité et de bienveillance, en valorisant le travail et en exprimant notre reconnaissance. Pro’Pulse by Les Traiteurs de France que nous avons créé en novembre dernier prend tout son sens. Facilitateur et accélérateur de compétences en lien avec nos métiers et dirigeants de maisons, Pro’Pulse by Les Traiteurs de France nous a permis d’intégrer dans notre structure Meet My Mama, entreprise sociale qui permet à des femmes immigrées, réfugiées de devenir des cheffes entrepreneuses et indépendantes. Le monde a besoin de revenir à l’essentiel. Nous, créateurs de liens et artisans du bonheur, avons plus que jamais notre rôle à jouer pour redonner du sens à la fête.

Propos recueillis par Martine Léonard

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