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Après une année 2025 en demi-teinte, les agences événementielles abordent 2026 en constatant un durcissement des contraintes. Même si leurs entreprises clientes ne remettent pas en cause la nécessité de certaines opérations, leurs demandes ont évolué. Alice Dupaigne, directrice générale de l’agence Ice Events à Lille, définit l’année 2026 ainsi :« Mêmes prestations avec moins de budget ! », s’exclame-t-elle. Elle observe une baisse de budget de l’ordre de 10 à 15 % sur les événements liés au tourisme d’affaires, avec des exigences identiques de contenu et des délais de réalisation plus courts.« Les événements sont en attente de validation pour l’année prochaine et la mise en concurrence entre les agences est plus aigüe également », pointe-t-elle.
Autre observation : les « grandes messes » fédératrices sont moins nombreuses, au profit de formats plus restreints comme des comités de direction. « De même, nous recevons moins de demandes pour les voyages de récompense à l’étranger et pour les voyages d’étude réunissant les entreprises et leurs clients. » Également présidente du réseau Lille Events, qui regroupe notamment une dizaine d’agences événementielles sur la métropole lilloise, Alice Dupaigne témoigne d’une « ambiance assez maussade » dans le secteur actuellement.
Par ailleurs, les appels d’offres intègrent de plus en plus une
dimension importante de RSE, mais les clients semblent en décalage. « Les annonceurs manquent d’engagement fort, certains nous demandent encore des goodies », s’étonne-t-elle. En tant qu’agence, Ice Events propose des compensations carbone ou des actions solidaires pendant l’événement, mais le budget ne suit pas toujours.
« Nous devenons conseil en RSE, notre filière s’est engagée par conviction et c’est à nous de prouver qu’on peut être vertueux dans l’événementiel. »
Depuis son poste, Carla de Oliveira, directrice générale adjointe de Hopscotch Event, constate que les événements liés au business et à la vente sont maintenus en 2026.
« Les demandes se concentrent sur des forces de vente, des conventions commerciales, ou des grands salons comme le Mondial de l’Auto en octobre 2026 », détaille-t-elle. En revanche, elle reconnaît que les événements corporate internes sont non seulement moins demandés, mais subissent une coupe budgétaire. La recherche de ROI prédomine sur la création de contenu.
« Dans les briefs, les clients nous sollicitent pour obtenir les mêmes prestations avec moins de financement ! Cela nous demande de faire un pas de côté, d’arbitrer et de montrer plus d’agilité, sans que la rémunération de l’agence soit pénalisée. »
Les prises de décision sont également plus longues à intervenir.
« Chez nos clients, les validations passent par plusieurs circuits internes qui ralentissent le process, indique-t-elle. On sent une forme d’attentisme lié au contexte politique et économique actuel. »
De même, les mises en concurrence sont parfois trop larges.
« Suivant le montant de l’événement, nous estimons que ce n’est pas intéressant de répondre à des appels d’offres où plus de trois agences sont sollicitées, car cela réduit nos chances de l’emporter. Nos équipes travaillent pendant trois semaines pour concevoir une offre et ne sont pas dédommagées en cas d’échec », regrette-t-elle.
La recherche d’économies va de pair avec le choix des destinations. Aux yeux de certains clients, la sobriété s’accommode de la proximité, afin de respecter leur budget mais également de soigner leur image de marque. « En ce moment, les grands groupes accordent beaucoup d’importance à leur image et aux événements organisés en interne », explique-t-elle. « Deux de mes clients ont préféré choisir la région parisienne comme cadre de convention plutôt que l’Europe du Sud, par souci de ne pas paraître ostentatoires. Ils ont opté pour la frugalité », rapporte-t-elle.
Quant aux critères RSE, l’agence les met en avant dès la conception de l’événement, notamment avec un outil de calcul d’émission carbone suivant le mode de transport. Mais ils ne sont pas forcément déterminants pour tous les clients.
« Tout dépend de la maturité sur le sujet, la pondération sur les critères est fluctuante », avoue Carla de Oliveira. Si un client choisit une destination étrangère, accessible uniquement par avion, Hopscotch Event fait valoir l’aspect social de l’événement en proposant des actions qui bénéficient l’économie locale. « Le but est de trouver un équilibre entre la décision de l’entreprise et l’écosystème local », dit-elle.
Éric Tordjman – DSO
Chez DSO, le directeur Éric Tordjman constate que les décisions se prennent de plus en plus tard. « Nous avons beaucoup de dossiers en attente pour le premier trimestre 2026 », dit-il. À la mi-octobre, les cahiers des charges des événements prévus en janvier et février ne sont pas encore définis.
Autre tendance lourde : la principale préoccupation des entreprises clientes concerne désormais les tarifs. « Les budgets sont en baisse de 20 à 30 % », pointe-t-il. Il cite des exemples concrets : les repas comprennent deux plats au lieu de trois, les buffets proposent moins de pièces par personne, le nombre de participants diminue et les prestations sont réduites. « Nous arrivons à trouver des solutions, mais il arrive un moment où l’on ne peut plus rogner sur les budgets », s’inquiète-t-il. Les clients ont également tendance à attendre la dernière minute pour mieux négocier auprès des prestataires, quitte à avoir moins de disponibilité et moins de choix.
Dans certains cas, l’entreprise fait appel à DSO pour la partie professionnelle d’un séminaire, et non pour la partie ludique. « Pour compenser ce manque à gagner, nous sommes obligés de renforcer notre démarchage auprès de nouveaux clients. » En corollaire, l’agence a gelé les embauches par manque de visibilité sur les mois à venir.
Pour 2026, Morgan Taldir, directeur de l’agence IS (14 collaborateurs), confirme la tendance des événements moins volumineux. « Plutôt que de monter des conventions à 400 participants, nos clients nous demandent quatre événements plus ciblés à cent personnes », observe-t-il. La France est davantage privilégiée que l’étranger. « Quand les sièges des entreprises internationales sont situés dans l’Hexagone, les dirigeants préfèrent faire venir 15 personnes, plutôt que d’envoyer des centaines de personnes en avion à l’international. » Les demandes 2026 se concentrent sur des lieux authentiques, propices à des expériences originales. « Les
hôtels gros porteurs ne font pas rêver nos clients ; ils réclament plutôt des établissements plus intimes. »
Pour sa part, Élodie Dufour, directrice communication et mar- keting du pôle Incentive & Travel chez WMH Project, souligne la tendance des voyages « expérienciels ». « Pour 2026, nos clients ne renoncent pas aux voyages, qui sont des outils stratégiques et des leviers de fédération d’équipes. Ils privilégient des contenus en connexion avec la nature et la population locale. »
Selon elle, ce besoin de collectif se fait sentir sur tout type de voyage, qu’il soit un voyage de récompense ou un séminaire interne, pour des groupes de 15 à 1 000 participants. Elle constate le retour des destinations long courriers, comme le Sénégal, le Cap Vert, le Japon, l’Afrique du Sud, l’Argentine, ou le Vietnam. « Ce sont des destinations porteuses d’expériences qui servent des projets signature et des enjeux forts, autour de la marque employeur », analyse-t-elle.
Prévus pour 2026, ces voyages ont été validés par les entreprises clientes plus d’un an à l’avance, voire deux. « L’avion reste nécessaire, constate-t-elle. Il faut juste trouver une cohérence entre la distance parcourue en vol direct et la durée du séjour. Nous jouons sur le poids de chaque passager à bord en incitant à partir léger et à acheter de quoi s’habiller sur place. » À destination, des actions solidaires sont favorisées, comme le nettoyage de plages quand la géographie du pays le permet, ou des reconditionnements de savons usagés à redistribuer aux populations locales. « De même, nous privilégions des hébergements écoresponsables, une restauration en circuit court, moins de transferts, et on évite les objets en plastique à usage unique. La RSE est devenue un état d’esprit, et pas une case à cocher dans un brief. »
Si les pays lointains reprennent du galon, pour autant, la France et l’Europe proche se maintiennent dans les demandes. « Nous proposons toujours une destination hexagonale, comme le Sud, la Corse, Bordeaux, ou les Alpes en hiver.» Quant au transport en train, il est validé pour des trajets de moins de 4 heures. En résumé, l’année 2026 se présente bien chez WMH Project. « Malgré l’inflation constante depuis le Covid-19 sur les transports, les entreprises cherchent à dépenser mieux au profit d’un storytelling fort sur place. » Aux agences d’être agiles en la matière.
Le dernier rapport annuel Amex GBT Global Meetings and Events met l’accent sur, à la fois, l’optimisme des professionnels (85 %) pour le secteur en 2026 et sur la hausse des prix qui constitue un écueil pour 38 % d’entre eux. Dans les principaux enjeux définis par le baromètre, figurent l’utilisation croissante de l’IA dans l’organisation des événements, la recherche d’expériences marquantes de la part des participants avec davantage d’interactivité, et bien sûr, le calcul encore plus précis du ROI d’un événement. Quant à la RSE, elle devient une norme dans la politique des entreprises (38 %), et non plus une option, même si 25 % des répondants seulement traquent leur empreinte carbone.


