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Après une période d’activité très dynamique depuis 2022, portée par le post-Covid-19 et les Jeux olympiques et paralympiques, les agences événementielles constatent un fléchissement des demandes, surtout au second semestre 2025. Prudence, attentisme et maîtrise des coûts sont les maîtres-mots de la rentrée.
Quel est le bilan de l’activité événementielle au premier semestre ? Comment s’annonce la fin de l’année ? Les agences interviewées ont répondu avec franchise sur la réalité du terrain. Le millésime 2025 semble marquer une pause, après une période de rattrapage post-Covid-19 en 2022 et 2023, et une année 2024 intense en raison des Jeux olympiques et paralympiques à Paris et dans plusieurs villes de France. « Ces deux phénomènes ont débouché sur une année de consolidation », résume Élodie Dufour, directrice communication et marketing du pôle Incentive & Travel chez WMH Project. « Au premier semestre 2025, nous avons connu un ralentissement de l’activité événementielle. C’est une tendance large dans le secteur. Nous vivons une année faible », souligne-t-elle.
En 2024, et cela à titre indicatif, le groupe WMH Project a fait voyager 10 000 personnes, dans le cadre d’une cinquantaine d’événements, répartis entre les incentives, les opérations de récompense, les conventions et les séminaires. « Depuis le début de l’année, certains clients ont gardé le même rythme de voyages, d’autres ont organisé davantage d’événements et d’autres encore ont baissé leur budget d’environ 10 % », détaille-t-elle.
Après le pic d’activité traditionnel en mai et juin, le second semestre se profile de la même manière que le premier, plutôt en retrait par rapport aux deux dernières années. Selon Élodie Dufour, d’autres tendances se font également sentir : « Les exigences des politiques RSE ne sont plus vécues comme des contraintes. Les trajets en train sont remplacés par des transports en avion, mais avec de nouveaux formats immersifs à destination. Les contenus sont axés sur des activités locales écoresponsables. »
Pression des services achats
Au sein du groupe Hopscotch, Sylviane Girardo, la codirectrice de l’agence Sagarmatha, estime que le premier semestre 2025 a été plutôt positif. « L’activité a été stable, mais pas en croissance par rapport à 2024, précise-t-elle. Nous avons répondu à plusieurs appels d’offres durs, en concurrence avec trois ou quatre agences, ce qui a demandé du temps. Certains sont des appels d’offres de référencement, qui nous donnent juste le droit d’être interrogés plus tard. »
D’une manière générale, elle note que les budgets se resserrent et que la pression des services achats des entreprises se fait davantage sentir. Selon elle, les budgets événementiels baissent d’année en année dans le secteur de la téléphonie, mais de beaux projets subsistent encore dans les laboratoires pharmaceutiques, le domaine du conseil et de l’alimentaire. « Pour autant, l’enveloppe initiale n’est jamais dépassée ! », reconnaît-elle.
Au premier semestre 2025, nous avons connu un ralentissement de l’activité événementielle. C’est une tendance large dans le secteur.
Élodie Dufour – WMH Project
Les séminaires avec un transport en avion coûtent plus cher du fait de l’augmentation des taxes aériennes. Cela laisse moins de latitude aux prestations terrestres, qui ont elles-mêmes augmenté.
Sylviane Girardo – Sagarmatha (groupe Hopscotch)
Sur le terrain, les conditions tarifaires se durcissent également : « Les séminaires avec un transport en avion coûtent plus cher du fait de l’augmentation des taxes aériennes, regrette-t-elle. Cela laisse moins de latitude aux prestations terrestres, qui ont elles-mêmes augmenté. Du côté des prestataires, ils n’acceptent plus la pose d’option et c’est au premier client qui confirme. Cela nécessite plus de travail de notre part pour acheter mieux et vendre mieux. »
Pour ce qui est des prochains mois jusqu’à la fin de l’année, Sylviane Girardo concède qu’il y a peu de demandes d’événements. « Il faut bien reconnaître que le contexte politique en France et à l’étranger n’est pas fou( !), s’exclame-t-elle. Les annonces de blocage du pays font peur aux clients, nous devons imaginer des plans B pour les événements prévus en septembre. En tant qu’agence, nous sommes rattrapés par l’ambiance morose du moment. » Un point positif : les clients semblent vouloir se projeter plus facilement en 2026.
Les perspectives de grèves et de blocages à l’automne provoquent des questions sur les conditions d’annulation et de report des événements. C’est à nous de trouver des idées inspirantes, d’apporter du conseil, car les entreprises clientes ont quand même besoin de motiver leurs troupes.
Marc Bourdier – Ideacom
Tendance à la prudence
Après un premier semestre qui s’est bien maintenu, Marc Bourdier, directeur du développement de l’agence Ideacom, s’attend à une seconde moitié de l’année plus compliquée. « Notre carnet de commandes était plein sur les six premiers mois de 2025 grâce à notre panachage entre clients privés et clients publics, déclare-t-il. Nous continuons à avoir du business jusqu’à la fin de l’année, mais nous sommes en retrait par rapport à 2024. »
Sans surprise, il constate que la tendance actuelle chez les clients est à la prudence, en raison de l’instabilité économique et politique en France. « Les perspectives de grèves et de blocages à l’automne provoquent des questions sur les conditions d’annulation et de report des événements. C’est à nous de trouver des idées inspirantes, d’apporter du conseil, car les entreprises clientes ont quand même besoin de motiver leurs troupes. »
Avec une équipe de dix personnes, Marc Bourdier estime qu’Ideacom n’a pas de grands frais de structure et peut se montrer agile. « Pour les grosses agences, la période devient plus tendue, pense-t-il. C’est pour cette raison qu’elles viennent même nous concurrencer sur des appels d’offres de taille moyenne, à 250 000 euros ! »
L’instauration des nouveaux droits de douane aux États-Unis a des conséquences directes sur le secteur du luxe. Les événements dans ces créneaux subissent des réductions de budget ou bien sont carrément annulés.
Michel Rivet – Moma Event
Le luxe impacté par les droits de douane
Michel Rivet, directeur général de Moma Event, se montre lucide. « Dès la fin de l’année dernière, nous avons senti un peu de frilosité de la part de nos clients. Cette tendance s’est confirmée en 2025, surtout au deuxième semestre. C’est une année assez contrastée », pointe-t-il. Même si l’activité a été positive sur le premier semestre, aussi bien dans le nombre que le format d’événements, la seconde partie de l’année reflète l’inquiétude et la réserve des entreprises. « On ne peut pas parler de crise, mais de période peu porteuse. »
Selon lui, le mois de septembre est faible et morose par rapport aux années précédentes. « Le contexte politique et économique est chahuté, entre le vote de confiance à l’Assemblée nationale, la notation de la France, les perspectives de blocages et de grèves. »
En tant que vice-président de l’association Lévénement, qui regroupe une centaine d’agences événementielles, il observe la même tendance baissière dans l’écosystème. Après trois années « superbes », de 2022 à la fin 2024, le cru 2025 est perçu comme une période de régulation, sous le coup du contexte français et international. Car l’actualité internationale a un impact également sur l’événementiel. « L’instauration des nouveaux droits de douane aux États-Unis a des conséquences directes sur le secteur du luxe, que ce soit pour les vins ou la joaillerie. Les événements dans ces créneaux subissent des réductions de budget ou bien sont carrément annulés. »
Les décideurs sont anesthésiés. Ils sont en position d’attente pour valider leurs événements, tout en espérant que les prestataires leur accordent des tarifs avantageux en dernière minute.
Éric Tordjman – DSO
Les demandes suspendues à l’actualité
À ses yeux, l’activité des quatre derniers mois de 2025 va rester en retrait, car les délais sont trop courts pour organiser des grands événements. « Même l’activité corporate souffre un peu, et certaines entreprises réalisent elles-mêmes leurs événements, sans solliciter les agences extérieures, en revoyant le budget à la baisse. » De la même manière que les ménages épargnent, les entreprises sont plus attentives à la dépense. « On sent bien que les enjeux sont multiples et que la situation est compliquée à anticiper », analyse-t-il.
Quant à Éric Tordjman, directeur de l’agence DSO, il constate que le premier semestre a été marqué par des réductions de budgets de l’ordre de 20 à 30 %. « Les moments festifs ou les opérations de team building ont été supprimés des événements. » D’où la recherche de nouveaux clients pour compenser ce manque à gagner. « L’activité est équivalente à 2019, mais moins soutenue qu’en 2024 », dit-il. Les demandes actuelles sont suspendues à l’actualité économique et politique du pays. « Les décideurs sont anesthésiés, remarque-t-il. Ils sont en position d’attente pour valider leurs événements, tout en espérant que les prestataires leur accordent des tarifs avantageux en dernière minute. » Un pari à court terme.